Culpabilité yoguique : suis-je agressive?

Voilà trois semaines que mon genou droit n’en fait qu’à sa tête. Sans la gêne d’une douleur en continu, je ressens comme un tirage intense, un pic, lorsque je tends la jambe, ou la plie c’est selon. Aucune logique. Un certain mouvement va me faire mal aujourd’hui, alors qu’hier pas du tout et inversement proportionnel au carré. J’ai mal en descendant les escaliers, pas en les montant.

Je n’ai d’abord pas tout de suite réfléchi au pourquoi du comment. Avoir mal ici ou là quand on fait du sport, rien de plus normal. Mais au bout de deux semaines quand même, et avec ce Mudday qui arrive à grand pas et le certificat médical obligatoire avec, j’ai été obligée de me pencher sur le problème. Paraît-il que c’est le ménisque, ou le ligament latéral (rayer la mention inutile), selon mon (nouveau) doc qui avait l’air de rien n’y connaître. Mais comment est-ce que j’ai pu me faire ça? me demande-t-il.

Un choc? Une chute? Non. Un faux mouvement? Non, ah si peut-être à la presse en salle la dernière fois (110 kilos, mon « record »). J’ai tendance à verrouiller mon genou lorsque je tends mes jambes, ce qui n’est pas vraiment conseillé. Le yoga? Quoi? NOON impossible. Je fais attention. Je suis douce, je m’écoute. Je ne force pas. Je ne fais pas d’acrobatie. Je lis pleins de trucs. Et je n’en suis pas encore au stade à faire des asanas « avancés » (si tant est que l’on peut parler d’asanas « avancés »). Là, le doc, je l’avais perdu depuis longtemps. Il n’avait pas l’air de bien comprendre ce qu’était une « presse », et il a vaguement souris quand j’ai mentionné le yoga (ce sourire compatissant et très énervant).

Bon et puis finalement je me suis résignée. Je ne saurai pas l’origine du problème, tout au plus j’espère connaître rapidement la nature du problème (IRM dans 10 jours). J’ai donc fait des recherches sur les blessures au yoga, sur les risques possibles.

En parallèle de mes recherches et au fil de ma lecture de l’ouvrage de BKS Iyengar, l’Arbre du Yoga (à propos duquel Isis a écrit un superbe article), je lis le passage suivant:

« Dans les pays occidentaux en particulier, les gens veulent par-dessus tout faire padmasana, la posture du lotus. Ils disent: « Je pense que je peux y arriver! » Hélas, on pense avec la tête, mais on exécute avec le genou! Si vous ne comprenez pas l’intelligence du genou et le forcez à suivre votre cerveau, alors le genou se cassera. Mais si vous comprenez la rigidité du genou tout autant que sa mobilité et si vous avancez très progressivement pour enlever la rigidité et augmenter le champ de mobilité, alors il n y a absolument aucun danger. S’il y a des accidents en yoga, ce n’est pas la faute du yoga; c’est l’agressivité de  l’élève qui en est responsable. « 

Et là, elle arrive, triomphante, arrogante: la culpabilité. Ai-je été trop agressive? Ne suis-je qu’une débutante sans aucune écoute d’elle-même? Vais-je trop vite?
Oui, j’ai pratiqué le lotus. Je ne pense pas avoir forcé, mais qui sait? Ai-je suffisamment ressenti cet asana?
Je n’ai aucune réponse à ces questions: j’aimerais répondre non, mais je crois que ce serait mentir à moi-même. Mais je suis déjà très heureuse de parvenir à me les poser car je vais en conséquence suivre différents conseils, cueillis ici ou là:

  • connaître un minimum son anatomie avant de se lancer dans le yoga: pour ma part, avec un bac L, j’ai oublié la biologie depuis un moment. Et quand même il m’arrivait de m’intéresser à l’anatomie pour la musculation, je restais vraiment dans le superficiel. J’ai toujours eu beaucoup de lacunes dans ce domaine et je suis encore bien incapable de comprendre où se situe tel muscle ou tel organe (j’ai récemment du faire une recherche Google sur les ischio-jambiers pour comprendre ce dont tout le monde parlait sur Twitter). En lisant des articles sur le genou, j’ai compris. J’ai compris que le genou ne se pliait que dans un sens. C’est mécanique. Si on le force trop à la dérive de son sens de pliage, c’est le danger assuré. Et je crois bien que c’est une erreur que j’ai commise à répétition, sans ressentir de douleur, en « tordant » un peu ma jambe pour l’attraper en pigeon sur une jambe (Eka Pada Kapotasana).
  • être très (très très) vigilent lorsque l’on pratique seul et que l’on a pas suivi énormément de cours avec des professeurs compétents. La pratique solo du yoga se développe à-tout-va et j’y participe moi-même. On a beau lire, entendre, voir, partout, que l’on doit faire attention, on ne voit pas bien ce qu’il y a derrière cette mise en garde. « Oui forcément je ne vais pas partir en Sirsasana si j’ai 2 mois de yoga derrière moi, il me prennent pour une irresponsable ou quoi? ». Sauf que pas besoin de Sirsasana pour se faire mal, ou adopter de mauvaises habitudes. Le lotus suffit, comme le dit Iyengar plus haut. Et le lotus, ça semble « facile » là comme ça, en tailleur et hop on appuie. Désormais, je vais continuer sur ma lancée (voir mon Marathon yogique) et privilégier les cours à la pratique solo. Cette dernière viendra en complément, afin d’appliquer ce que j’aurais appris avec le professeur.
  • connaître les alignements, pour ne pas adopter de mauvaises habitudes. Pour cela, à part appliquer ce que j’apprends en cours et lire, je n’ai pas trouvé mieux. Je vais bientôt me procurer l’ouvrage « Ajustements en yoga » qui a l’air très bien fait (voir l’article de Laure d’Endorphine à ce sujet).

Je dois dire, par contre, que je suis un peu déçue de ne pas avoir réellement trouvé de discours rassurants, nous invitant à ne pas culpabiliser si l’on se blesse au yoga. J’imagine que même les plus grands yogis se blessent, parfois, non? heureusement que les blogueuses sont là pour me rassurer:

Les articles de Mathilde fait du yoga, de Jessica de Omshanti, et plus dernièrement Claudia et sa vidéo sur les blessures au yoga (il doit y en avoir beaucoup d’autres que je n’ai pas mentionné ici, n’hésitez pas à me les proposer):

Pour terminer, je vais indiquer ici les postures que je continue de pratiquer dans l’attente du verdict médical, qui sont semble-t-il adaptées à une blessure au genou. Là encore, je ne suis pas certaine à 100% et je pratique très doucement, ne prenez donc pas ces recommandations au mot. Chacun sait de quoi il a réellement besoin. Pour ma part, je sens que continuer le yoga me fait du bien, et apaise mon genou. Mon médecin ne m’ayant pas prescrit d’arrêt sportif total, je me suis permise cela mais d’autres personnes aux blessures plus graves n’auraient peut-être pas intérêt à continuer. Bref, voici donc ces asanas (oui, j’aime les vieilles photos):

L’inévitable, l’incontournable Savasana (asanafoods.com)
Salabhasana (northwestyogaacademy.com)
Bhujangasana (familyhistoryfiles.com)
Pavanamuktasana (rao-yoga.org)
Supta padangus (yogastudies.org)

PS: vous imaginez bien que pour le Mudday, c’est foutu  (et je me suis crue tellement invincible que je n’avais pas pris l’assurance annulation. Cela me servira de leçon…)! Ô Joie d’admirer les copains rouler dans la boue vendredi! Pour la peine, je ferai mon yoga doux en les attendant, par terre, dans la boue.

Un Autre article intéressant sur le sujet.

[EDIT du 18 mai] Je découvre à l’instant les articles de Mathilde, Alice, et Michèle, sur le même sujet. Voici un extrait de l’article de Michèle, qui m’a particulièrement parlé:

Je ne compte plus les « opérés » du genou que j’ai rencontrés… tous des apprentis yogis ayant trop forcé pour atteindre la posture du lotus (Padmasana). Je n’ai pas le « lotus facile », non plus.

En fait, j’y arrive! … si je compense avec les chevilles et les genoux… c’est bluffant et je pourrais même le tenir sur la durée. Le résultat ressemble à celui de la photo de Wikipédia ci-dessus.

C’est joli, mais j’évite. J’ai conscience que je tire sur les genoux et sur les chevilles, pour compenser un manque de rotation de la hanche. Alors, j’assouplis la zone des hanches, les piriformes, etc. pour assouplir et/ou éviter l’enraidissement. Le lotus parfait demeure quelque chose de peu accessible. Mais c’est un plaisir de le réussir parfois. Sinon, je m’abstiens d’aller jusqu’au bout: pas envie de le faire au détriment des genoux et des chevilles (ces dernières étant déjà fragilisées par mes nombreuses heures de méditation en Siddhasana, à une époque lointaine où je n’avais pas cette conscience/connaissance).

17 réflexions sur “Culpabilité yoguique : suis-je agressive?

  1. Coucou !!

    Merci de nous avoir mentionnées sur ton blog ! ^^
    Ton article est très chouette et très claire. Continu de bien prendre soin de toi et d’approfondir ton écoute. Tu es un peu ton premier « medecin » 😉

    J’aimerais faire un parallèle de ta blessure physique à ta vie (Self Reflection). A toi d’être sincère avec toi même, je n’attends pas de répondre à mon commentaire ^^
    En reprenant l’extrait d’Iyengar : « On pense avec la tête, mais on exécute avec le genou! Si vous ne comprenez pas l’intelligence du genou et le forcez à suivre votre cerveau, alors le genou se cassera. Mais si vous comprenez la rigidité du genou tout autant que sa mobilité et si vous avancez très progressivement pour enlever la rigidité et augmenter le champ de mobilité, alors il n y a absolument aucun danger. »

    Maintenant change le mot GENOU avec le mot MENTAL.

    Y’a-t-il quelque chose dans ta vie avec lequel tu es en train de te faire violence ? Es-tu dans une situation où tu as du mal à te « plier » à la réalité ?
    Es-tu trop « dure », voire agressive avec toi même, au niveau de tes pensées ?

    N’hésite pas à voir les maux du corps, comme un reflet de ta vie et des problèmes que tu rencontres en chemin. Parfois on y trouve une réponse… 🙂

    Belle journée en ce jour férié, repose bien toi bien et surtout ton genou ! ^^
    Bises, Isis

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    1. Merci pour la mention ☺️ . Mon ménisque gauche et moi, on a une longue histoire… Chute de ski à 12 ans, pas de diagnostic avant mes 15 ans … Arthroscopie et retour à la normale (enfin presque, le sport de compét fini) et il s’est rappelé à moi avec Padmasana justement, il m’a fallu du temps pour comprendre mais avec un bon travail sur l’ouverture des hanches, ça va mieux. L’irm te donnera la réponse. J’espère sincèrement que cela ira

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      1. Bonjour Jessica! Merci pour ce témoignage. C’est intéressant de voir que tu as surpassé ta blessure grâce au yoga (ouverture des hanches). Prends soin de ton genou et merci pour tes derniers mots 🙂

        Tiphaine

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  2. Coucou Tiphaine,

    Merci pour ce bel article, touchant et passionnant !

    Je me reconnais tout à fait dans ton histoire car moi aussi j’ai parfois trop « forcé » sur des parties du corps ou articulations dans ma pratique.

    Maintenant, j’ai compris que ça ne servait à rien, c’est même contre-productif. J’essaie d’employer la patience et la douceur plutôt que, comme tu le soulignes, la violence avec mon corps. Ce n’est pas toujours facile car parfois on a envie de « réussir » telle ou telle posture…

    Et là je rejoins Isis : le mental et le corps sont encore plus liés qu’on ne pourrait le croire…

    C’est cool d’avoir fait un lien vers ma vidéo, je vais partager ton article sous ma vidéo pour que les lectrices de YogaPassion puissent te lire, et te découvrir, pour celles qui ne te connaissent pas encore.

    Il me reste à te souhaiter un jour férié reposant, en attendant de prochains challenges sportifs et de continuer ton exploration des merveilles du Yoga;

    A bientôt !
    Claudia de YogaPassion.fr

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    1. Salut Claudia!

      Merci pour ton commentaire, et pour le lien dans ton article c’est très sympa!

      C’est rassurant de voir que je ne suis pas la seule à avoir peut-être « forcé »‘, sans forcément nous en rendre compte. Le yoga nous apprend la patience…

      Très belle journée à toi et à très vite 😉

      Tiphaine

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  3. Hello,
    Super article et belle réflexion sur notre rapport à notre corps et à nos blessures.
    Je me permettrais d’y ajouter mon petit commentaire à moi: personnellement, au contraire, toutes les blessures que je me suis faites l’ont été pendant un cours avec un prof: un ajustement mal adapté (par des profs qui ont, malheureusement, de moins en moins de pratique personnelle et des formations expéditives), l’égo qui embarque et je force un peu pour faire comme les autres, des postures mal adaptées à mon état du moment. Je trouve qu’il m’est beaucoup plus facile de m’écouter et d’adapter le yoga quand je suis seule face à moi-même. Mais c’est venu avec le temps et c’est tout personnel.
    Bon courage pour ton genou! Nos blessures sont nos meilleures professeures 😉

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    1. Salut Alice!

      Merci beaucoup pour ton commentaire.

      C’est surprenant et en même temps très intéressant ce que tu dis. Cela soulève également le problème des formations peut-être devenues trop rapides. Depuis combien de temps pratique-tu? Comment as-tu « senti » que les alignements conseillés par ton professeur n’étaient pas adaptés?

      Il est vrai que la pratique personnelle permet davantage de s’écouter, et de prendre son temps, de progresser à son propre rythme. Je vais tâcher de ne pas l’oublier 🙂

      Merci pour tes mots, à très bientôt!

      Tiphaine

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      1. Hello Tiphaine, ma prof dit que se blesser n’est pas forcément une chose négative, mais c’est la perception de la blessure qui est négative. Ainsi, on apprendra effectivement de la blessure, à la fois sur soi et sur sa pratique, puisqu’à partir du moment où l’on est handicapé, il faudra adapter sa pratique pour ne pas se blesser plus, voire guérir. Dans certain cas, la pause s’impose et on pourra se consacrer au pranayama ou à la méditation par exemple: car quand on est dans la course au résultat physique on néglige les deux autres piliers que sont la respiration et l’observation de l’esprit. Peut être faut-il que tu ralentisses tes efforts physiques pour regarder un peu plus vers l’intérieur?

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      2. Bonjour Fanny! Je découvre ton commentaire seulement maintenant bouh! Merci beaucoup pour tes mots. C’est vrai, petit a petit j’écoute les messages que mon corps me fait passer a travers cette blessure. J’arrive à mieux le comprendre sur certains points, je suis plus douce et c’est vrai, beaucoup plus tournée vers l’intérieur (ce que je pensais déjà faire, mais je ressens que maintenant c’est différent). Je suis vraiment en admiration devant ton blog qui est superbe. Je prépare un article, je parlerai de toi 😉 j’en ai déjà trop dit. A très vite!

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  4. Merci Tiphaine, pour le partage.

    C’est une expérience, dont tu te serait bien passée, mais qui a toute son importance dans ton histoire!

    Pour tenir la route au quotidien, sans devoir arrêter trop souvent à cause de blessures ou autres douleurs, rien de tel que tous les questionnements que tu partages ici…

    En te souhaitant une belle continuation
    Michèle

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    1. Bonjour Michele et merci beaucoup pour ton commentaire, en effet je suis persuadée que cette blessures prendra tout son sens bientôt, j’en ressens déjà les « bénéfices  » 😉 … A très bientôt! Tiphaine

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  5. Salut Tif! Je suis un peu à la ramasse du coup je ne lis ton article que maintenant. Comment va ton genou alors? Tu as repris le yoga en pleine forme? A bientôt!

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    1. Hey salut Emilie! merci beaucoup de prendre des nouvelle c’est super sympa 😊 en fait j’ai jamais vraiment arrêté le yoga et maintenant ma pratique est comme avant, sauf sur certains appuis. Ce serait un problème a la rotule… ça pose surtout problème pour le sport, je ne peux pas courir par exemple 😔 Je n’ai pas oublié notre petite discussion a propos de cet été, surf et yoga!! On en discute en mp? Bises a très vite

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      1. Mais totalement! Oui faisons ça par mp et essayons de nous caler une date et un petit endroit bien cool 😉

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